Il y a un palais, mais cela fait
bien longtemps que ses propriétaires l'ont
laissé à l'abandon. Ses occupants
subistent malgré tout, comme de mauvaises
herbes, comme une vie qui résiste à
tout, comme une petite arabe qui trouve, à
travers la reproduction d'une toile de Van Gogh,
le chemin de la beauté et de l'indépendance.
Au début des années 80, le quartier
de la Casbah à Alger, qui vient d'être
classé patrimoine de l'humanité,
est laissé à l'abandon par les autorités.
Elles le laissent devenir insalubre pour entreprendre
une réhabilitation qui verra les élites
s'approprier ce quartier populaire. La désolation
de ces habitants et de ces murs, cette plainte
que personne n'entend, Nabile Farès s'en
est souvenu lors d'une discussion avec un ami
devant la Chaise de Van Gogh, «plus réelle
que la réalité". Il écrit
alors une parabole, une fable autour d'un quartier
mais aussi d'un pays. Ce texte ne pouvait que
croiser le chemin de Kamel Khélif et éveiller
en lui une autre histoire, à moins que
cela soit la même.
Kamel Khélif est né à Alger
mais il a grandi à Marseille. Dans Cité
Bassons, traverse du mazout, il évoquait
les grands ensembles des quartiers nord, ces cités
de "transit" où furent entassées
les populations maghrébines quittant les
bidonvilles. Après avoir été
mécanicien tourneur, il décide tour
abandonner pour la peinture. A l'origine de cette
vocation, la découverte d'un périt
livre à la bibliothèque du centre
social du quartier : La vie exaltée de
Vincent Van Gogh. «Quand j'ai lu ça,
tour ce qui était sous jacenr chez moi
s'est réveillé. Je me suis dit :
enfin quelqu'un qui me ressemble. J'ai commencé
à peindre, je peignais souvent la nuit,
avec des restes de peinture, derrière des
pochettes de disques". Et pourtant le livre
n'avait pas d'images. Plus tard encore, il va
être formidablement encouragé par
un couple d'aveugles qui achètera ses oeuvres.
Répondant au texte de Farès, Khélif
choisit de laisser de côté le réalisme
photographique de certaines de ses planches pour
aller au-delà de l'apparence. En composant
des images où jouent le hasard des tâches
et des hachures, il suit le même chemin
que l'héroïne du récit. Texte
et images font alors naître une jeune fille
arabe dont, en définitive, nous ne connaîtrons
que le regard. Un regard «interne»
et non aveugle. Un regard capable d'ouvrir des
fenêtres dans le monde. Un regard qui devient
le nôtre et trouve la lumière dans
l'ombre la plus noire.
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Kaniel Khélif
Né à Alger, Kamel Khélif
vit et travaille à Marseille depuis 1964.
il a depuis signé des illustrations pour
Le Prophète de Khalil Gibran et Homicide,
un album de bande dessinée sur un scénario
de Amine Medjidoub chez Z éditions avant
de rejoindre les éditions Amok avec Les
Exilées, Histoires.
Nabile Farès
Né en 1940 à Collo en Algérie,
Nabile Farès vit à Paris depuis
1964. Journaliste, écrivain et psychanalyste,
il mené des expériences théâtrales
à Aix-en-Provence, Marseille, Paris et
collabore à diverses revues littéraires.
Il a signé plusieurs romans, essais et
recueils de poésies

Titre après titre, VOX
donnera à lire des auteurs d'aujourd'hui
et fera coexister sous le même format de
la bande dessinée, du roman, de la poésie,
de la photographie, du graphisme, et surtout de
tout ce qu'il peut y avoir entre et à travers.
VOX entend ainsi constituer une proposition
d'espace pour des littératures contemporaines.
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